Gaza : le devoir de l’Europe

rita linkedin low copieL’Union joue un rôle commercial et humanitaire décisif au Proche-Orient. Il est temps que ce géant économique cesse d’être un nain diplomatique. Par Rita Maalouf * 

L’Europe, géant économique pour Israël et la Palestine, reste néanmoins un nain diplomatique pour les deux pays. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’UE représente le principal partenaire commercial d’Israël, avec 33 % des exportations vers l’UE et 40 % des importations provenant de cette dernière. Aussi bien, l’Europe et ses états membres sont parmi les principaux donateurs d’aide à la Palestine, allouant 1 117 milliards d’euros entre 2014 et 2020.

Si le partenariat avec Israël a été formalisé dès 1959 par l’accord d’association et de stabilisation, l’accord de l’année 2000 a considérablement élargi le champ d’action en permettant un libre-échange des produits industriels et agricoles. La participation à des programmes comme Galileo et aux initiatives de recherche et développement de l’Europe revêt une importance vitale pour Israël. D’autre part, sans l’Europe, l’Autorité palestinienne ainsi que Gaza n’auraient pas bénéficié de programmes de santé ; les 27 pays membres ont contribué à la construction d’hôpitaux, à la dotation en équipements, ainsi qu’à la formation et au suivi des médecins, aux côtés des Indonésiens.

Fortement engagée dans ces régions, l’Europe se trouve dans une position privilégiée pour engager un dialogue et œuvrer à une solution à deux États. Cette vision recueille un quasi-consensus en Europe. La présence en Europe de fortes communautés juives et de grandes traditions d’échanges avec Israël lui confèrent un atout considérable. Il en est tout autant des liens historiques des anciens pays du bloc communiste avec les Palestiniens. Il convient de souligner également l’incroyable tissu de liens entre les collectivités locales européennes et les villes palestiniennes ou israéliennes.

L’ensemble des aides, assistances, coopérations et échanges positionne l’Europe comme un « poumon européen » en Israël et en Palestine. Les Européens n’ont eu aucun mal à se mettre d’accord sur ce sujet en 2013 sur le fait que « tout accord entre l’État d’Israël et l’Union européenne doit indiquer sans ambiguïté et explicitement qu’ils ne s’appliquent pas aux territoires occupés en 1967 ». Pas plus que sur la prise de distance budgétaire avec le Hamas lors de la victoire de ce dernier dans la bande de Gaza.

Le conflit israélo-palestinien a un impact direct sur l’Europe, tant en termes de terrorisme que de flux migratoires ou de tensions intercommunautaires. La montée de l’antisémitisme ou la radicalisation islamiste parmi les populations musulmanes sont quelques-unes des conséquences visibles. Les retombées se font également sentir dans le commerce et les échanges, surtout dans la zone euro méditerranéenne, d’une importance cruciale pour l’Europe sur le marché mondial.

Cependant, ce marché peine à se stabiliser en raison du conflit qui perturbe les relations dans tout le pourtour méditerranéen. La zone euro méditerranéenne pourrait constituer un relais de croissance stratégique qui ferait de l’Euro-Méditerranée un nouvel eldorado, ouvrant de nouveaux horizons à l’Europe, non seulement en direction de l’Afrique, mais également vers deux milliards de consommateurs musulmans ; et cela sans évoquer la nécessaire coopération méditerranéenne pour endiguer ou réguler les flux migratoires.

Ainsi, l’Europe dispose des moyens et de l’intérêt pour agir, surtout face aux États-Unis moins dépendants du pétrole du Moyen-Orient et davantage orientés vers la confrontation avec la Chine en Asie-Pacifique. Malgré cela, l’Europe n’a jamais réussi à imposer une solution à deux États. Elle pourrait pourtant aller jusqu’à intégrer Israël à la famille européenne sans pour autant exiger de contreparties.

Le 7 octobre, lors de l’attaque terroriste brutale du Hamas en Israël, l’Europe a été saisie d’effroi, étant elle-même touchée par le terrorisme islamiste à Londres, Paris, Madrid ou Bruxelles. Cependant, aucune déclaration commune, réaction collective, exigence commune n’a émané lors de ce rendez-vous avec l’Histoire. Chaque État nation s’est précipité à Tel Aviv pour assurer à Israël de son soutien. Depuis, c’est la cacophonie sur les couloirs humanitaires ou les cessez-le-feu entre les déclarations de Pedro Sanchez, d’Emmanuel Macron et le soutien inconditionnel à Israël.

Il est grand temps que l’Europe soit à la hauteur de l’Histoire, elle qui fut le théâtre de la solution finale pour les Juifs, mais a surmonté maintes guerres sur son territoire. Il est urgent, nécessaire, indispensable qu’un « plus jamais ça » voie aussi le jour pour Israël et la Palestine, qu’un plan de paix soit établi, conforme à l’esprit de la décision des Nations unies lors de la création de l’État d’Israël, avec la création d’un État palestinien. * Universitaire experte en géopolitique, auditrice à l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN).

Par Rita Maalouf * Chercheur experte en géopolitique, auditrice à l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN).

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